Le legs des ancêtres
Belle âme,
Souviens-toi
De ce que tu dois
A ceux qui ne sont plus là.
Ils sont toi
Et tu es eux.
En toi
Leur sang coule.
En toi
Leur histoire marche.
Et tu leur parles
Car ils t’entendent.
Tu leur dis merci
Pour le legs.
Legs de dons,
Legs de sensibilité.
Legs de poète,
Legs de terre,
Legs d’humilité,
Legs d’enseignant,
Legs de peintre.
Et tu te souviens
De ce que tu sais.
Une lignée de femmes
Qui t’a offert en partage
Tendresse maternelle,
Elégance,
Cheveux sombres,
Peau de terre,
Yeux d’oiseau.
Et puis tu prends aussi
Les mystères,
Les questions sans réponse,
L’enfant abandonné
Dont on ne connaît pas le père.
Ces silences inavoués
Autour des ancêtres honteux,
Tous ceux qu’ils rejettent
Et que tu accueilles dans ton cœur
Car tu sens que tu es celle
Qui les reconnaît
Et qu’ils sont ceux
Qui se reconnaissent
En toi.
Ils t’ont donné
Cet air d’étrangère,
L’apparence de celle
Dont on ne veut pas.
Celle qu’on regarde de travers,
Celle qui est louche,
Celle qui vient de l’inconnu,
Celle dont on se méfie,
Celle qu’on juge,
Celle qu’on rejette.
La sorcière,
La maigrichonne,
La bronzée,
La ratée,
La bizarre,
La trop sensible…
Justement c’est celle
Que tu es
Et dont tu es fière :
La Différente.
Tu sais qu’elle vient d’ailleurs,
Un ailleurs inavouable.
Une femme qu’on cache
Dans le silence de la maison
Car elle est celle qui fait honte.
Elle est celle qui vit.
Elle est celle qui danse.
Elle est celle qui voit au-delà.
Elle fait du tapage.
Elle s’habille en rouge.
Elle danse et chante et crie.
Elle a de longs cheveux noirs.
Son sang est trop rouge,
Comme sa bouche maquillée
Et la fleur dans ses cheveux.
Elle tape du pied et n’a pas de maison.
Elle refuse de rentrer dans le rang.
Elle clame sa différence
Mais elle sombre dans l’oubli.
Comme tous les aïeux venus d’ailleurs,
Un ailleurs qui fait peur
Car il cache bien des violons,
Des cartes et des terres inconnues,
Lointaines, trop lointaines.
Ils cachent des guérisseurs,
Des poètes et des sans-le-sou,
Des semelles de vent,
Des Tziganes et des Juifs,
Des sans-nom et des sans-père,
Tous ceux que tu accueilles
En ton sein.
Les ancêtres nous donnent aussi
Le legs dont il faut se défaire.
Celui là tu le laisses
A la poésie,
A la peinture,
A la danse,
Au vent,
Aux nuages,
Aux rivières,
A la Terre…
Et ce legs de tristesse,
De pleurs,
De défaites,
De mal-amour,
De trop-amour,
De pauvreté,
Le lien qui empêche d’être soi,
L’Archange est là
Pour le couper net
Du tranchant de son épée.
Le lien malsain tombe à terre
Et notre Mère à tous
L’accueille dans ses bras noirs.
Elle le prend dans sa grotte
Pour l’aimer
Et l’éclairer de sa lumière,
Tel un enfant mal-aimé.
Ainsi un nouveau Moi est né.
Belle âme, désormais,
Tu sais qui tu es.
Tu es toi-même.
Reconnaissante pour le legs de lumière,
Libérée du legs sombre,
Emplie d’amour pour les ancêtres
Qui sont à l’intérieur de toi
Sans être totalement toi.
Angéline BILLIAU
Tableaux de Jacques Billiau
jacky50.canalblog.com